12 septembre 2007

"Entre nous soit dit"

LA LETTRE
I - OÙ SE CACHE LA PEUR DES MOTS...
Poster mon babil comme un oiseau s'élance dans le ciel et trouver dans les plis d'un billet l'éclat d'une vie... Lier une lettre à une autre en trouvant une harmonie exactement... Tomber les cartes pour révéler celle qui sera maîtresse et dans tous ces corps de textes, consommer les phonèmes sans modération!
C'est de cette position foisonnante que je m'étais préparée ce jour-là à entrer en correspondance avecmes congénères les plus parfaits. Le changement s'était opéré très progressivement le jour où j'avais osé accepter de prendre en compte toutes les lettres de l'alphabet.
Mine de rien, je découvrais une quantité de tabous qui vérolaient mon esprit! Par exemple, le propre des épitres apparaissait bien d'approuver ce que je souhaitais approuver pour moi-même et je suppose que tout un chacun en fait autant, s'octroyant ainsi la possibilité de se démarquer des autres... Tabous et choix semblent ici bien proches et pourtant, précisemment d'une certaine façon s'opposer. Qu'on ne me demande pas d'expliquer cette affaire-là!
Ainsi donc, puisqu'il s'agit de mots constitués de lettres, je découvrais une confusion étrange dans mon esprit au sujet du mot « EPISTOLAIRE »... Je ressentais à la fois une attirance pour sa première partie et à la fois une répulsion pour son graphème final! Ce qu'on nomme préfixe et qui se matérialise ici par E,P et I, préfixait précisemment l'image d'un Jésus entouré de son groupe d'amis, au milieu des oliviers et, printemps aidant, emmenés dans des conversations disparates, élaborant au fil des années une sorte d'onthologie!... Je ressentais une attirance certaine vers la générosité humaine ainsi exprimée. Et puis, la fin du mot: « AIRE », où une autre image était immédiatement refoulée, celle de l'enfer!... Comme un frisson qui vous parcourt le dos et cette désagréable sensation, qu'une fois écrit, preuve étant faite, condamnation peut s'ensuivre!... Primaire, n'est-ce pas? Et pourtant, le même Jésus, dans le désert, n'était pas en enfer mais cela ne venait qu'après, bien après l'enfer refoulé. C'est là que la confusion s'est installée!
II - DES ÉCHANGES DE LETTRES
J'avais quinze ans, mon frère était décédé depuis quatre ans.
Les échanges épistolaires que j'avais avec mon cousin étaient plutôt passionnés de mon côté et protecteurs de l'autre. Le besoin fou que j'avais de communiquer trouvait là une ouverture admirable... Il y a des jours où tous les gens sont beaux, à travers ses lettres tous les gens étaient beaux tous les jours! Je ne sais plus qui arrêta d'écrire en premier, je peux supposer que c'est moi au moment où l'écriture de mes cahiers se fit pleine, c'est-à-dire quand elle put se suffire à elle-même. Je me souviens cependant que ces lettres ne constituaient pas un but en soi. Je n'écrivais pas pour écrire, j'écrivais dans l'spoir de vivre un jour... Je ne me demandais pas s'il s'agissiat de vouloir vivre avec mon cousin, je savais simplement qu'un jour je vivrai avec des personnes que j'aimerai et que j'aimais déjà!
Mais, j'avais bien compris qu'on peut pas trouver un interlocuteur avec qui partager tous les sujets de la vie. Aussi, j'entretenais d'autres échanges épistolaires. C'est avec le docteur S que je racontais mes aventures cavalières. C'était venu tout naturellement! Ma mère, dont il était l'ami presqu'intime à mes yeux, avait dû lui faire part de ma nouvelle activité. Suite au deuil du frère, cet engoûment leur apparaissait sans doute comme un beau signe de vie.
Il a dû se passer qu'un beau jour, elle me proposa de commencer un échange d'expériences cavalières que lui-même souhaitait partager. C'est ainsi que je racontais mes déboires multiples et variés. Le genre équidé devenait alors peu à peu le centre de mon existance. En dehors du travail scolaire sur lequel j'avais du mal à me concentrer, le genre « cheval » occupait ma vision comme un concept existenciel. Si j'acceptais de vivre dans le béton tous les jours, dans les étages d'un immeuble chaque matin et chaque soir, dans les carlingues métalliques des autobus et des voitures, parfois et toutes mes journées ou presque dans un immeuble plus ou moins haussmanien, c'était seulement pour préparer l'avenir! Dans la moindre touffe d'herbe et dans l'ombre pommelée des feuillus, j'entrevoyais des univers de chevaux en liberté galoppant dans des prairies toujours vertes... Dans mes échanges avec le docteur, j'avais déjà, et de loin, la précision d'analyse de la future éthologue que je déciderai un beau jour de devenir. Les lettres qu'il m'écrivait en retour, n'étaient que des souvenirs trop lointains pour lui mais son soutien construisait mon écriture semaine après semaine. C'est dans ces descriptions minutieuses que j'appris à trouver les mots pour me faire comprendre. Quand il me répondait, je savais qu'il avait lui aussi vécu l'expérience décryptée. Un jour, il ne répondit plus, la vie l'avait quitté, bien loin de chez moi, là-bas où il m'avait fait naître, de l'autre côté de la Méditerranée...
III - TOUT EST POSSIBLE!
Le corps est là, bien tangible, même si le docteur n'est plus et le cousin disparu. De digramme en trigramme ou lettre en bas de casse, c'est en chiffres romains ou en italiques que j'écris maintenant! De manuscrits en typographies, je ne peux empêcher la lettre de s'écrire, de lettre muettes en lettres liées les unes aux autres, ce sont autant de lettres dont je construis ma vie. Si l'inconscient est un langage, l'écriture est aussi une image de majuscules et de minuscules, d'élégants dessins de pleins et de déliés, de hampes et de jambages mis en valeur par la lettre capitale exprimée ou gravée en lettres d'or! Ecrites en toutes lettres sur mon visage, je garde présent dans ma mémoire, toutes les lettres circulaires de mes publipostages.
C'est autant de lettres de remerciements aux multiples hôtes que de lettres de licenciement ou de démission qu'il est nécessaire parfois de dépêcher. Autant de faire-parts que l'existence se plaît à nous multiplier, lettres de cachet que les administrations ne savent plus faire et nous encore moins!... Lettres de rémission auxquelles on ne se livre même plus! Lettres de noblesse qui sont à nouveau à inventer, lettres de créance qui permettraient peut-être, à notre tour, de prendre des droits. Lettres de service qui deviendraient notre journal intime! Lettres anonymes où nous pourrions dire tout ce que l'on désire. Lettres patentes où la fantaisie d'aujourd'hui peut prendre ses droits. Lettres de rupture où nous décidons enfin d'arrêter la monotonie des jours. Lettres de naturalisation où notre nature peut ainsi déplacer son point de vue. Lettres d'amour trop peu usitées de nos jours, lettre de condoléances trop vite concoctées à partir d'un modèle préformé, lettres de recommandation même pas considérées, lettres d'embauche trop peu multipliées et enfin, celle-ci, lettre de pure garantie pour un retour de la lettre que trop de gens ne savent plus faire, du genre épistolaire ou presqu'illettriste!
Je n'irais pas pleurer sur les papiers de ceux à qui on a appris à écrire et qui ne veulent pas en jouïr! Je n'irais qu'à dire que les générations à venir ont déjà recommencé à écrire, que nous sommes là, comme des phares dans une nuit finissante... Puisse, car il n'est jamais trop tard, encore venir les écrivants, tous ceux en qui le désir d'écrire se réveille un beau jour tout doucement...

4 septembre 2007

MES MOTS BIEN-AIMES...



BLEU
Le bleu que j'ai dans les yeux quand je ferme les yeux et que je vois tous les bleus de la mer, du ciel, des fleurs... du coeur!
Un coeur bleu avec la fraîcheur d'une éclaboussure, irrisé de mille scintillements bleutés.
Bleu pour reposer mon esprit fatigué.
Bleu pour lâcher les peines à la queue-leu-leu.
Bleu, encore sans jamais me lasser, comme un chant très ancien qui me revient...

COEUR
Il m'avait dit de ne pas le cacher sous le portefeuille...
Entre la gauche et la droite, je n'ai jamais trop su où le mettre!
Je n'ai jamais trop vu où les autres l'avaient mis...
Un jour, j'ai senti qu'il battait très fort.
Je l'ai laissé sortir de sa cage et je l'ai suivi partout où il allait.
Je ne pouvais pas m'en détacher!
J'ai dû tout abandonner,
j'ai dû faire tout ce qu'il me demandait...
Le coeur est un tyran qui nous apprend l'amour envers et contre tout!

L'AUTRE
Moi, partout, tout près et très loin...
Aujourd'hui ou hier et même l'autre de la préhistoire, en tout temps et en tout lieu, c'est encore mon même!...
Ami ou ennemi, frère, enfant ou arrière arrière grand-père, c'est nous, c'est moi, c'est eux,


l'AUTRE!...
L'identique et le différent, toujours là, même quand je me perd en plein désert, même quand la solitude m'enferme au fond de ma grotte, je suis envahi de lui, d'elle, d'eux au point de n'être plus rien à la fin du compte!

CHALEUR
L'été, parfois torride, quand la chaleur envahit le moindre recoin, quand l'ombre se fait fraîche ou presque, quand, plus un seul être vivant ne bouge, c'est la lumière éclatante de sa chaleur.
Notre perception en est toute retournée!...
Alors, on ne veut plus la voir, on met des lunettes de soleil, on invente la climatisation, on peut même porter un gilet rempli de glaçons dans le dos!
On veut continur son quotidien sans rien changer!
Alors, on se demande bien s'il y a encore des saisons sur terre!... Ma bonne dame!

VOISIN
Quand je me sens seul dans ma petite maison, très seul et perdu dans mes pensées, quand je me sens isolé du monde des vivants, quand le désert envahit mon quotidien, j'apprécie d'entendre mes voisins vivre, j'apprécie d'entendre que la solitude est une idée, j'apprécie d'entendre qu'en descendant la rue, je vais aussi les rencontrer et que, finalement j'aime bien ma petite maison!

BASTINGAGE
Là, ça y est, on est parti, on voit la houle s'écarter de la coque du navire...
On a envie de sauter par dessus le bastingage!
Comme si, de devenir poisson allait nous amener droit au but!!
Et puis, on sait que ce n'est qu'un rêve au dedans de soi, un rêve fabuleux...
Alors, on lève les yeux au dessus du bastingage, on regarde la mer, plus loin...
On se sent raisonnable.

BATEAU
C'est un bateau, un grand bateau blanc rempli de plein de gens qui rient ou qui pleurent avec les grands gestes du départ.
Parfois, on les entend même gronder de bonheur...
Un bateau pour partir très loin sur cette eau plate, de l'autre côté, pour changer sa vie, pour aimer encore plus ceux que l'on quitte...
Un bateau qui part pour savoir qu'on peut aimer la vie!